En fanfaaare!

Je m’interroge sur une époque où le monde crie à l’urgence d’agir, où la gronde d’un peuple n’est pas entendue, où le lien, la solidarité sont fragilisés. Je pense à une jeunesse qui ne sait plus quel geste engager, quel chemin emprunter, à une énergie bouillonnante qui ne demande qu’à s’ancrer. Et puis j’ai cette image de la fanfare. Celle qui réunit, qui fait du bruit, qui percute, qui tape sur une grosse caisse, qui souffle dans les tubas. Celle d’un esprit qui s’oppose, qui fanfaronne les grands airs, qui fait mal aux oreilles, qui joue à plusieurs voix un chant DIY. Celle qui nous sort de l’inertie, nous appelle à agir collectivement.

Cette pièce, elle arriverait en panache parmi le public comme une aubade tapageuse donnée au lever du jour, pour réveiller le monde en plein sommeil. Un manège de corps pris en chaîne dans une trombe de musicalités partagées, soufflées, une fanfare de gestes marmonnés au réveil en éclat, se composant entre eux en suite de chutes en plein repos. Surement venue d’un lointain nocturne, En Fanfaaare ! entonne ce morceau impossible de La Flûte enchantée de Mozart ; c’est cet air populaire à la voix de sifflet de La Reine de la Nuit, qui vient percer le silence dans un temps percussif et démesurément expressif. La gueule ouverte, le diaphragme engagé, l’aria ne s’arrête pas, elle se boucle inlassablement, engage le sursaut des corps, se pleure, réveille, rendort. Les corps se répondent comme des ricochets de gestes avant d’éternuer, fausse alerte, pré-mouvements, pré-sauts, ces va-et-vient qui mènent irrésistiblement à osciller dans l’espace, balancer, balloter, secouer, s’ancrer dans les sols, s’approcher à la longue d’un frémissement des colonnes vertébrales, du tremblement à l’unisson, du frisson collectif au petit matin d’hiver, quand la brume existait encore.

Durée : 1h10

Une douzaine de spectateurs prennent place sur le plateau